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Compte rendu de la 150ème édition du Club Intelligence Economique et Stratégique (IES)

Créé en novembre 2000 par Jérôme Bondu, le Club Intelligence Économique et Stratégique célébrait jeudi 26 septembre sa 150 ème conférence. EspritsCollaboratifs était présent dans les locaux de l’IAE Paris, et vous partage les minutes de cette conférence débat. Au programme de cette soirée, un panorama des démarches d’intelligence économique et de veille en France : origine, pratiques actuelles et futures en entreprise. Animé par Jérome Bondu, le débat a rassemblé quatre intervenants experts en Intelligence Economique :

  • Siham Harroussi, Prospective and Innovation Culture Director chez Malakof Médéric Humanis
  • Philippe Clerc, Global Competitive Intelligence Senior Advisor chez CCI France
  • Alain Garnier, CEO de Jamespot et Captain DPO
  • Mickael Reault, CEO de SindUP

Les origines de l’intelligence économique en France

Pour commencer la soirée, Philippe Clerc a présenté les origines du concept d’intelligence économique (IE) en France. Dès 1992, un groupe de travail, présidé par Henri Martre et Philippe Clerc, fut constitué afin de comprendre les facteurs immatériels de compétitivité des entreprises, territoires et pays. Ce groupe de travail a donné naissance au rapport Martre, dans lequel l’information est déjà vue comme un actif immatériel stratégique et l’un des vecteurs essentiels de développement de la performance des entreprises et nations. Ces informations économiques, vitales pour la pérennité des acteurs économiques, nécessitent donc une gestion stratégique.

Le rapport offre une comparaison détaillée des démarches d’intelligence économique menées aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne, en Grande-Bretagne ainsi qu’en Suède et analyse les forces et faiblesses de la démarche d’intelligence économique en France. Il émet plusieurs recommandations, parmi lesquelles la mise en relation d’acteurs publics et privés, locaux et nationaux afin de faire émerger « des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile [nécessaire à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie] aux acteurs économiques ». Les activités de gestion et traitement de l’information et les démarches de prospectives s’inscrivent alors au coeur des plans stratégiques pour la France et de construction d'une vision industrielle stratégique.

Philippe Clerc est également revenu sur les travaux de Christian Harbulot qui travaille dès les années 90 autour du concept de #guerreeconomique reposant sur les techniques de renseignements et d'influence.

En 1995, à la suite du rapport Martre, le Premier ministre Édouard Balladur donnera son accord pour la création du Comité pour la Compétitivité et la Sécurité Economique. La mission principale alors confiée au CCSE est d’éclairer le gouvernement sur les questions de compétitivité et de sécurité économique, et de le conseiller sur la politique à mettre en oeuvre.

Alain GARNIER, Président de Jamespot, nous a partagé sa vision des pratiques de veille en entreprise, vision alimentée de sa grande connaissance des plateformes de veille puisque qu’il a notamment fondé la société Arisem qui édita l’une des premières plateformes de veille professionnelle, ensuite rachetée par Thalès. Alain Garnier nous rappelle que dans les années 90, seuls les services de renseignements pouvaient capter massivement les informations externes. De grandes questions se posaient déjà : à quoi nous servent nos outils ? Est-ce que l’accès à toutes ces informations nous permet réellement de mieux travailler ensemble au quotidien ?Pour Alain Garnier, quatre grandes visions de l’intelligence économique ont toujours existé en France :

  • l’IE portée par l’Etat pour toutes les entreprises,
  • l'IE portée par l'Etat pour les professionnels du renseignement,
  • l'IE par et pour les grandes entreprises,
  • l'IE par tous dans toutes les entreprises.

Siham Harroussi nous a, quant à elle, fait part de son retour d’expérience sur les démarches de #veille qu'elle a lancé dans différentes structures (cabinet de conseil stratégique, industrie et secteur des assurances). Elle œuvre à promouvoir un modèle collaboratif des systèmes d’intelligence économique et d’innovation. Pour Siham, les activités de #veille et d' #intelligenceEconomique, malgré l'existence du rapport Martre, restent souvent mécomprises ou culturellement peu ancrées, avec des pratiques limitées aux grands comptes, généralement dans le secteur industriel autour des activités technologiques et prospectives. Aujourd'hui un amalgame existe entre la publication d'une newsletter et une démarche de veille visant au développement de la compétitivité d'une entreprise.

Enfin, Mickaël Réault, Président de SINdup, est revenu sur la génèse de sa société, et son souhait alors de transposer les approches de suivi des signaux financiers dans le contexte de salle de marché pour traders et brokers aux pratiques de veille en entreprise. Il témoigne que les petites et moyennes entreprises sont de plus en plus sensibilisées aux besoins de veille et expriment de fortes attentes relatives à la gestion stratégique de l’information pour évoluer dans un marché très dynamique, se préserver de la désinformation et de la surabondance informationnelle.

Les pratiques actuelles en matière de veille et Intelligence Économique

Pour Philippe Clerc, la fin du modèle de l'expert implique la nécessaire formation de l’ensemble des salariés et entreprises aux pratiques informationnelles afin de mettre en réseau les capacités, compétences et connaissances. De telles pratiques de réticulation des capacités se développent actuellement dans les territoires grâce aux efforts d’évangélisation notamment portés par les CCI, et consacrent ainsi la socialisation de la démarche de veille et de gestion et traitement stratégique de l’information. Les connexions entre chambres de commerce, écoles et entreprises ont permis de mettre en place des observatoires régionaux et sectoriels. Toutefois, des dispositifs technocratiques ont ensuite enfermés l'IE dans une ingénierie étatique relativement décarrelée de la réalité des territoires, contribuant ainsi au déclin de l’appareil productif et industriel français. Aujourd'hui, le Président de la commission en charge du Rapport Martre pointe le besoin de réintroduire les stratégies économiques au sein des territoires. L’heure est également à la mise en œuvre réelle de cette intelligence territoriale, maillée, faisant appel à de nombreuses parties prenantes et plus proche de la réalité sociale et économique des territoires.

Pour Alain GARNIER, l'humain reste au coeur de ces démarches : l'enjeu est bien de recréer du lien entre les personnes. Ce sont les non-experts qu'il faut accompagner et savoir soutenir dans leurs tâches opérationnelles quotidiennes pour développer l'#intelligenceCollective de nos organisations. Alain Garnier souligne l’importance des réseaux sociaux d’entreprise et encourage les entreprises à investir dans des démarches d’intelligence collective. Avec la fin du modèle de l’expert, il devient primordial de proposer aux opérationnels des espaces collectifs de gestion de l’information.

Pour Siham Harroussi, les facteurs clés de succès d'une démarche de #veille sont :

  • structurer et professionnaliser l'activité de veille
  • embarquer un maximum de partie prenantes pour se reposer sur l'intelligence collective de la démarche
  • bien intégrer les réseaux sociaux
  • être toujours aligné avec les enjeux et la stratégie de l'entreprise

Interrogé quant à la concurrence entre SindUP et Google, Mickael Reault rappelle les différences fondamentales entre un service individuel comme Google Alert et une démarche de veille en entreprise. La gouvernance et l’animation de la gestion de l’information y sont primordiales. Il faut l’humain et l’automatisation de la gestion de l’information pour soutenir l’action et la prise de décision

Les pratiques actuelles en matière de veille et Intelligence Économique

Pour conclure cette soirée, les intervenants ont exposés quatre orientations sur le futur des pratiques de veille :

  • Pour Philippe CLERC, il faut repenser les outils de pilotage et de planification stratégiques des entreprises afin d’améliorer les approches d’innovation et de prospective et savoir comment anticiper des innovations de ruptures éclair. Ce nouveau contexte d’innovation disruptive nous rend sans doute plus clairvoyant, et nous montre à quel point nos choix stratégiques sont déterminants et doivent être éclairés si l’on souhaite pérenniser nos acteurs nationaux. Le cas exemplaire de l’échec d’Alstom doit interroger nos acteurs politiques et industriels.
  • Pour Siham HARROUSSI, la veille continuera de s’inscrire au coeur des pratiques d’innovation. Les veilleurs sont légitimes pour travailler sur les activités d'innovation et de prospective qui sont dans la pure continuité des pratiques de #veille. Pas d'innovation ni prospective performante sans démarche de veille professionnalisée et collaborative !
  • Pour Alain GARNIER, l'intelligence artificielle et les approches de traitement automatisé du langage ne sont pas nouvelles et il convient d’être très prudent quant aux nouvelles capacités d’analyse que l’on nous promet. En revanche, les capacités de calcul et les approches qui sont proposées ont fortement évoluées. Alain perçoit que l’on va quitter le modèle du veilleur analyste pour entrer dans des modèles d’analyses statistiques en masse de données pour voir ce qui peut sortir de corpus géants en fonction des questions posées. L’enjeu sera alors de pouvoir analyser des données non ou semi-structurées textuelles.
  • Pour Mickael REAULT, il manque une stratégie nationale d’IE qui permettrait de réhabiliter la prospective et l’intelligence territoriale, notamment autour des risques cybersécurité et climatiques

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