Le futur de la veille s’écrit-il à l’encre de l’IA ?
L’équipe d’EspritsCo a eu la chance d'assister cette année aux conférences de Documation, notamment celles portant sur les enjeux de l’IA autour des métiers de la veille. Entre réflexions et retours d'expériences inspirants, voici quelques enseignements clés à retenir de ces conférences.
Les IAs génératives au cœur des discussions sur le futur de la veille
Les veilleurs se trouvent face à de nouveaux défis stratégiques avec l’intégration de l’intelligence artificielle, susceptibles de bouleverser les pratiques de veille actuelles. Elle apporte une vraie valeur ajoutée, notamment avec l’automatisation de certaines tâches ou la génération de résumés de corpus de texte. Cependant, de nombreux défis subsistent en ce qui concerne la qualité et la fiabilité des données ou encore la sécurité des informations et la préservation de la confidentialité ou des secrets d’une entreprise qui se reposerait, au travers de ses outils, sur les APIs de fournisseurs d’IA génératives tels qu’OpenAI, Google ou Microsoft.
Les discussions autour de l’IA ont été sans surprise au cœur des échanges sur les tables rondes : Quels impacts sur les pratiques de veille ? Quels défis et comportements associés à l’utilisation de l’IA ? Quelles perspectives et évolutions ? Cet article vise à dresser un panorama des sujets abordés.
Impact de l’IA sur les pratiques de veille
L’intégration de l’IA dans les pratiques de veille est un sujet clivant, qui divise les professionnels, tant sur le rôle que sur les impacts qu’elle aura. Soyons-en certain, nous sommes encore dans une phase exploratoire, durant laquelle nous manquons de recul pour avoir une idée concrète des modifications et impacts qu’elle entraînera.
Au premier rang des attentes figure notamment la possibilité des IAs de soutenir les veilleurs dans la constitution d’une vue d’ensemble autour d’un sujet donné. Bien qu’ayant peu d’impact sur la phase de collecte, les capacités que les IAs génératives permettent en matière de qualification des besoins, d’extraction et d’interaction avec des corpus informationnels ouvrent effectivement de nouveaux horizons. Certains de ces cas d’application d’IA générative existent déjà et permettent aux veilleurs de gagner du temps sur un ensemble de tâche donné.
L’une des principales questions qui se pose concerne la fiabilité des données : comment être sûr que les données produites par ces IAs soient pertinentes ? De ce premier point découle le suivant : si les données ne sont pas fiables, comment les professionnels, veilleurs ou non, peuvent se reposer sur les réponses générées dans le cadre de leurs activités quotidiennes ? C’est ainsi que l’on apprenait que Google recommandait à ses propres employés de ne pas faire confiance aux résultats de sa propre IA générative. En effet, d’une part, les moteurs d’IAs génératives, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ne réfléchissent pas, ils génèrent simplement une suite de mots cohérente, ce qui leur vaut le gentil surnom d’idiot savant.
L’esprit critique des veilleurs et la nécessité de sourcer, vérifier et croiser ses informations n’en deviennent que plus indispensable à l’heure où la confiance en l’information et les contenus multimédias auxquels nous sommes exposés diminue aussi rapidement que les contenus sont produits par ces IAs génératives. D’autre part, la qualité des résultats est grandement dépendante de la pertinence et de la précision des prompts utilisés. Une nouvelle corde à ajouter aux expertises et compétences des veilleurs, mais plus largement de l’ensemble des professionnels qui seront amenés à exploiter ces outils !
Défis et comportements associés à l’utilisation de l’IA
Les experts présents sur les tables rondes ont bien rapporté que les attitudes sont très variées autour de l’IA, entre la curiosité sur ces capacités et la crainte de son impact sur les métiers de l’information. Les veilleurs sont curieux de voir les opportunités professionnelles qui pourraient naître et estiment que l’IA peut stimuler l’innovation dans les métiers de l’information. Les professionnels sont curieux d’explorer les applications potentielles et de développer de nouvelles compétences afin de rester pertinents sur un marché du travail susceptible de connaître des évolutions. À l’inverse, certains appréhendent l’intégration de l’IA, ce qui les pousse à adopter une attitude méfiante à l’égard de cette technologie. La crainte d’être remplacé par ces nouvelles technologies existe. La communication et la formation autour de ce sujet sera un enjeu primordial dans l’acceptation de ces nouveaux outils.
La formation continue des veilleurs pour appréhender et maîtriser les outils d’IA en constante évolution sera indispensable. Il y a des enjeux stratégiques, notamment autour de l’usage des LLM. Maîtriser l’IA demandera d’investir du temps et des moyens en termes de formation et de développement de compétences. Les gains de temps et d’efficacité, à terme, sont à relativiser d’une part par le temps de formation et d’acculturation nécessaire pour maitriser ces outils, et d’autre part par le temps qu’il conviendra d’allouer pour s’assurer de la véracité des résultats générés par ces outils. Quels que soient les outils utilisés, seuls les veilleurs et analystes seront tenus pour responsables des informations et supports à la décision qu’ils diffusent.
Enfin, les veilleurs auront un rôle à jouer dans la transmission des bonnes pratiques et dans la prévention des risques liés à l’utilisation de l’IA dans le cadre des activités de veille et d’analyse. Si certains intervenants insistaient sur le besoin de développer une expertise autour des IAs, pour notre part à EspritsCollaboratifs, nous sommes convaincus que les compétences et littéracies informationnelles doivent être massivement diffusées au sein des organisations et que les professionnels de l’information sont les personnes les plus légitimes pour accompagner la diffusion et la généralisation de ces compétences. Le meilleur moyen de se prémunir des hallucinations restera un sourcing maitrisé, basé sur des sources de confiance et de qualité, permettant ainsi une remontée d’information de confiance ; sur laquelle le recours aux moteurs d’IA générative présentera moins de risque.
La veille et l’analyse collaborative pour contrebalancer la perte de confiance dans l’information ?
Si les perspectives d’évolution tendent à modifier certains aspects des métiers de la veille, il est important de réfléchir aux opportunités de développement et aux défis associés. Au-delà des changements techniques avec l’automatisation de certaines tâches, l’IA va venir modifier notre manière d’accéder, de manipuler et d’interroger les informations. Alors que la confiance en l’information semble vouer à se réduire face à la propagation de l’usage des IAs génératives ; il est primordial de développer une capacité interne d’analyse, collaborative et distribuée.
C’est une conviction historique que nous avons à EspritsCollaboratifs et qui nous poussent à implémenter les IAs génératives au sein de Curebot comme une assistance outillée à la veille et à l’analyse.
Cette capacité d’analyse ne pourra être que distribuée et collaborative : en effet, si chacun d’entre nous pourra à terme mobiliser une IA générative pour résumer un brevet, seul un expert technique du domaine pourra réellement exercer un regard critique sur le texte produit ou mettre le dit-brevet en regard des actions et projets de l’entreprise.
L’IA ne doit pas être vue comme une solution qui va venir remplacer les métiers de l’information, mais bien comme un outil d’assistance. Il faut déshumaniser l’IA qui n’est rien d’autre qu’une machine qui produit une séquence de caractère en réponse à un prompt. L’important est de garder la maîtrise de l’analyse des données, des recommandations et supports à la prise de décision, et de ne surtout pas considérer l’outil pour autre chose que ce qu’il est : un instrument de plus dans la boite à outil technique et méthodologique des veilleurs et analystes. Aucune IA ne peut aujourd’hui remplacer l’expertise, la connaissance du veilleur et la confiance qu’une organisation positionne dans ces équipes et processus de veille et d’analyse.
IA et veille : à la recherche d’un juste équilibre risque-bénéfices
Si l'IA semble pouvoir apporter aux professionnels de l’information de réelles valeurs ajoutées en automatisant certaines tâches et en facilitant l'analyse des données, elle pose néanmoins des défis en termes de fiabilité des données et d'interprétation des résultats. Si les attitudes des professionnels de la veille à l'égard de l'IA varient, allant de la curiosité à la crainte, il est crucial d'adopter une approche équilibrée, prudente et mesurée pour tirer parti de ces avantages tout en gérant ces risques.
Bien que peu abordés durant les conférences et tables rondes, les enjeux éthiques, sociétaux et environnementaux n’en restent pas moins cruciaux : que cela soit les coûts sociétaux passés et à venir autour des entrainements des modèles de langage ou les coûts environnementaux présents et futurs de chaque requête à une IA générative (impact carbone, consommation d’eau, matériaux rares nécessaires à la production des futures générations de cartes graphiques, obsolescence accélérée des parcs de carte graphiques actuellement exploitées…). Ces externalités sociales et environnementales doivent être prises en compte dans le développement et l’adoption de ces technologies au sein de nos organisations. Faisons ici un petit pari : d’ici quelques années, les équipes RSE des entreprises questionneront les usages internes de ces IAs génératives…
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